Colloque: Diversité(s) en islam. Fondements et implications d’une pluralité complexe, Strasbourg, 8-9 septembre 2025

Organisé par l’Institut Français d’Islamologie et l’Université de Strasbourg

  • Argumentaire

L’islam n’est pas monolithique, il n’est pas un. Il ne l’a jamais été. C’est une évidence qu’il est plus qu’utile aujourd’hui de rappeler tant l’actualité et les violences qu’elle charrie tendent à donner de cette religion et ses fidèles une image négative univoque. Examiner la grande diversité de l’islam constitue donc non seulement un objectif scientifique en soi mais aussi un acte civique salutaire. Cette diversité est de différents ordres. Il y a d’abord une pluralité d’ordre historique. Sur ce plan, on pourrait dire qu’il existe au moins quatre islams (d’autres typologies restent possibles évidemment) : d’abord celui des temps des fondations, l’islam du prophète Muhammad et ses contemporains, celui dont se réclament beaucoup, notamment les salafistes, et qui, paradoxalement, est très peu connu. Ce que nous en savons provient en effet presque exclusivement des représentations que cherchaient à en donner les auteurs musulmans dont les plus anciens écrivaient, dans leur grande majorité, près de deux siècles après les évènements et dans un contexte totalement différent de celui qui avait vu naître le prophète arabe.

Il y a ensuite l’islam des clercs, les professionnels et les gestionnaires du religieux, notamment les législateurs qui, alliés aux anciens commerçants devenus conquérants, ont à juste titre ressenti le pressant besoin de réglementer les immenses terres conquises, les colossales fortunes acquises, les innombrables peuples soumis. Ils constituent le socle de ce que deviendra l’islam normatif, de plus en plus dominant, sur les plans social et politique, à partir du Moyen-Âge.

En troisième l’islam des hommes de lettres, philosophes, mystiques, scientifiques, grammairiens, artistes, géographes, architectes, traducteurs, etc. Beaucoup ont été juristes et théologiens aussi mais pas uniquement. Issus presque toujours des peuples conquis, ils ont été les représentants d’un islam curieux, en quête de connaissance, de nouveautés, d’adaptations et de découvertes. Artisans de ce qu’on appelle « l’Âge d’or » de la civilisation islamique aux confins des IXe et Xe siècles, ce fut principalement grâce à eux que des éléments majeurs du patrimoine intellectuel et spirituel de l’Antiquité furent adoptés et adaptés à l’islam et puis transmis à la postérité, à l’Occident notamment. On peut poursuivre les trajectoires de cet islam à travers les périodes post-classique, prémoderne et moderne.

Enfin, ce que l’on pourrait appeler l’islam des peuples, la religion vécue marquée plus ou moins par les trois premiers types mais souvent imprégnée profondément par les croyances et les pratiques locales, parfois préislamiques. Ce dernier point révèle d’autres pluralités, d’autres diversités : culturelle, ethnique, linguistique. Effectivement comment peut-on parler au singulier lorsqu’il s’agit de terres et de peuples qui vont du Maghreb à l’Asie du Sud-Est en passant par l’Afrique sub-saharienne, les Balkans, l’Asie centrale ou les îles de l’Océan Indien ? Rappelons une autre évidence : moins de 20% des musulmans sont arabes ou arabophones. Les plus grands pays musulmans sont le Nigéria et l’Indonésie et la moitié de la population musulmane mondiale vit dans les trois pays du subcontinent indien, le Pakistan, l’Inde et le Bangladesh, tous pays étrangers à la culture et la langue arabes. Mis à part un nombre très limité de pratiques et de croyances communes, l’islam mauritanien est très différent de l’islam iranien, un musulman albanais ou séoudien se reconnaîtrait difficilement dans les croyances d’un turkmène ou d’un sénégalais. En outre, tous ces musulmans se divisent en sunnites, chiites ou ibadites avec chacune leur pluralité d’écoles juridiques, courants théologiques, tendances philosophiques, ordres mystiques. C’est à toutes ces diversités que sont consacrés les deux journées du colloque, autour de deux axes principaux : la construction de la diversité religieuse interne à l’islam, la diversité culturelle et ses effets sur la diversité religieuse.

  • Comité scientifique et axes du colloque

Le comité scientifique du colloque est composé de 3 membres de la direction de l’IFI (Juliette Dumas, Mohammad Ali Amir Moezzi, Maroun Aouad), 3 membres du conseil scientifique de l’IFI (Charlotte Courreye, Cyrille Aillet, Meryem Sebti) et 3 membres de l’Unistra (Dilek Sarmis, Renaud Soler, Eric Vallet). Le conseil scientifique a défini les deux axes principaux du colloque :

-Axe 1 : Construction de la diversité religieuse interne à l’islam (orthodoxie/hétérodoxie/hétéropraxie);

-Axe 2 : Diversité culturelle et impact sur la diversité religieuse.

 

  • Programme

8 septembre 2025

Axe 1 : Diversité religieuse interne 
Président de séance : Mohammad Ali Amir-Moezzi (IFI/EPHE)

-9h30-10h15: Dariouche Kechavarzi (Bourse de fin de thèse IFI /EPHE), « De la pluralité à l’hérésie : les shī ʿites « exagérateurs » (ghulāt) aux premiers siècles de l’islam »
-10h15-11h: Ismail Warscheid (CNRS/Irht), « L’Islam saharien comme lieu de rencontre entre les deux Afriques »

Pause café : 11h-11h15

-11h15-12h: Zeynep Bursa (Lyon 2, MdC IFI), « Islam, État et modernité : la fabrique des études islamiques dans la Turquie républicaine » 
-12h-12h45: Wissam Halawi (Lausanne), « Les Duodécimains : formation d’une communauté théologico-juridique dans l’Irak abbasside (Xe-XIe siècle) »

12h45-14h30 : pause déjeuner

-14h30-16h30 : Table ronde
Discutant: Eric Vallet (Strasbourg)
Intervenants (20 à 30′ chacun) : Sophie Tyser (INALCO/CERMOM, postdoc IFI), « Soufisme et orthodoxie » ; Zeynep Oktay (CS de l’IFI), « Abdal-s, bektachisme » ; Amélie Neuve-Eglise (MdC INALCO), « Philosophie et orthodoxie », Fârès Gillon (MdC IFI, AMU), « Chiisme ismaélien ».

9 septembre 2025

Axe 2 : Diversité culturelle
Présidente de séance : Dilek Sarmis (Strasbourg)

-9h30-12h30: Daniel De Smet (CS IFI), « La transmission du néoplatonisme et la construction de la diversité religieuse en islam »
-10h15-11h: Clément Salah (postdoc IFI), « De Médine à Kairouan : les évolutions du malikisme en formation (VIIIe-Xe s.) »

11h-11h15 : pause café

-11h15-12h: Rémy Madinier (ENS Lyon), « Indonésie : un ‘islam archipélagique’ (islam nusantara) » 
-12h-12h45: Alexandre Papas (CNRS/EPHE), « Le soufisme en Asie centrale et dans l’Himalaya » 

12h45-14h30 : pause déjeuner

-14h30-16h30 : Table ronde
Discutante : Juliette Dumas (AMU/IFI)

Intervenants (20 à 30′ chacun) : John Tolan (Nantes), « Regards européens sur la diversité religieuse en terre d’islam : XVIe-XVIIIe s. » ; Youssouf Sangaré (INALCO), « Du Coran aux langues vernaculaires de l’Afrique subsaharienne » ) ; Erdal Kaynar (Unistra), « Occident et Ottomans» ; Marie-Paule Hille (EHESS), « Islam chinois ».

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